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Apprendre une langue étrangère avec une dyslexie ou comment dépasser les frontières du trouble
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Apprendre une langue étrangère avec une dyslexie ou comment dépasser les frontières du trouble
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Découvrez comment concilier la dyslexie et une langue étrangère. Méthodes et conseils pour surmonter les difficultés malgré le trouble.
La proportion de dyslexiques varie d’un pays à l’autre. Elle va de 1 % en Chine à 20 % et plus aux États-Unis. En France, le nombre de personnes touchées par ce trouble est d’environ 8 %. Pourquoi une telle différence dans le monde ? Trois explications sont possibles. Elles portent sur la méthode d’analyse, la place accordée à ce handicap invisible et l’opacité de la langue. Au-delà de parler sa langue maternelle, les linguistes observent un lien évident entre dyslexie et langue étrangère. Et plus elle est opaque, plus cet apprentissage semble difficile. Quelles en sont les raisons ? Comment maîtriser une langue seconde même avec un trouble spécifique du langage ? Est-il possible d’être bilingue et dyslexique ? Nous vous invitons à nous suivre dans ce voyage autour du plurilinguisme.
Les parents et les professeurs le savent : apprendre une langue étrangère avec un trouble du langage est difficile. Les cours d’anglais, notamment, sont souvent le cauchemar des élèves dys.
La dyslexie entrave l’apprentissage de la lecture et de l’écriture. Elle se découvre généralement vers le CP ou le CE1. Certains doutes émergent en fin d’école maternelle quand d’autres apparaissent plus tardivement. L’élève rencontre des difficultés pour identifier les sons d’une langue et pour les associer à un graphème. Dans la plupart des cas, un déficit phonologique est à l’origine du trouble (traitement et production des sons). Certaines fois, les compétences visuoattentionnelles (traitement des informations visuelles) sont la seule cause. En lecture ou en écriture, l’enfant dyslexique va notamment :
Ces difficultés avec l’écrit se rencontrent dès l’apprentissage scolaire, dont la classe emblématique est le CP. Mais elles sont présentes bien avant et accompagnent l’enfant puis l’adulte. Il appréhende sa langue orale et il sait la parler. Par contre, sa confrontation avec les écrits le met à rude épreuve. S’il ne comprend pas un texte lu, c’est parce que son déchiffrage fait barrage au sens. Alors, quelques mots sont décodés et reliés entre eux pour déduire une signification globale, peut-être approximative. Et si sa production manuscrite n’est pas claire, c’est parce que son énergie s’est centrée sur l’encodage des mots. Les sons, les lettres entendues ou les muettes accaparent toute son attention.
Un enfant dyslexique lutte avec le langage écrit. Si la langue cible comporte des phonèmes inexistants dans sa langue native, il ressent des difficultés pour percevoir les contrastes. D’où l’importance de découvrir très tôt des langues étrangères, pour profiter de la plasticité neuronale du jeune enfant.
Les chercheurs ont montré l’importance d’une étude phonologique précoce. Plus l’enfant dys est habitué à discriminer les sons, à les assembler, à les isoler, plus il pourra compenser ses fragilités. Et c’est aussi vrai pour l’apprentissage d’une langue étrangère avec une dyslexie. En France, l’initiation à une langue vivante étrangère (LVE) fait partie des programmes dès l’école maternelle. Mais l’enseignement primaire est beaucoup moins poussé que dans des pays ayant une approche bilingue comme la Belgique ou le Québec.
Pourtant, le bébé traite très tôt les sons qu’il perçoit. Il les analyse et ne retient que ceux utilisés dans sa langue native. Petit à petit, le cerveau perd sa capacité à discriminer les variantes sonores inexploitées. Un Français ou un Irlandais saura repérer les voyelles nasales (ex. : /on/,/in/,/an/). Alors qu’un Anglais ou un Espagnol n’en aura pas besoin. Aussi, découvrir une seconde langue dès la maternelle facilite l’apprentissage, à plus forte raison pour un dyslexique.
Si apprendre sa langue d’origine à l’écrit est difficile, pourquoi se confronter à une LVE ? Avant de rayer les langues étrangères de la liste des matières, prenons le temps d’étudier les avantages de cet apprentissage.
Nous l’avons vu, plus l’apprentissage d’une langue démarre tôt. Plus le cerveau dispose de ressources pour traiter les sons de la langue. L’analyse phonologique est indispensable dans la conversion des graphèmes vers les phonèmes (les lettres vers les sons), et inversement. Plus la perception des phonèmes est sensible, plus l’élève dyslexique aura des points d’appui dans la langue étudiée. Et au-delà de l’aspect technique, l’ouverture culturelle est une composante essentielle de l’apprentissage. Elle peut être abordée dans la transmission orale sans alourdir le passage à l’écrit. Nous le verrons plus bas, la pratique d’une langue se vit avant tout avec la communication verbale.
Être bilingue et dyslexique, c’est possible ! Une maîtrise plus lente de la langue maternelle est souvent observée, trouble dyslexique ou non. Néanmoins, les études et les constatations sont formelles : ce bain multiculturel est une richesse. Ana Inès Ansaldo est professeure à l’école d’orthophonie et d’audiologie de l’Université de Montréal. Elle explique les bénéfices neuronaux du plurilinguisme, notamment parce qu’il sollicite des zones plus variées du cerveau. Il est alors capable de mieux gérer les interférences et les conflits entre les informations. Cette tâche est généralement difficile pour les personnes dys voire multidys. Autre point important, l’identité linguistique et culturelle est essentielle pour le développement de l’enfant. Alors, si vous êtes dans cette situation, ne vous privez pas de cultiver le bilinguisme de votre enfant dys !
Toutes les langues ne constituent pas le même degré de complexité pour un enfant dys. Peut-être que pour vous, le chinois ou l’arabe, sont plus difficiles que l’anglais. Ce n’est pas si simple ! Même si l’anglais est la LVE la plus enseignée, elle fait partie des langues dites opaques. Il y a plus de 561 manières de représenter 41 phonèmes, soit presque 14 possibilités par son. Le champion des langues transparentes et l’italien. L’espagnol et l’allemand sont également des langues régulières. Pour faire court, les mots s’écrivent comme ils se prononcent, ou presque. Le français est une langue intermédiaire. On compte, selon les auteurs, 130 à 175 graphèmes pour 36 phonèmes, soit de 3 à 5 écritures pour un son. Dans la plupart des formes de dyslexie, parler l’anglais n’est pas plus dur que l’italien ou l’espagnol. Mais son orthographe est plus complexe.
Parfois, lorsque le handicap est trop envahissant, il peut être pertinent de demander des aménagements scolaires spécifiques. L’Éducation nationale prévoit une dispense d’examen ou des adaptations d’évaluation de la LVE sur avis médical. Cette décision se prend en concertation avec les équipes enseignantes et les professionnels de santé. Elle est consignée dans l’un ou l’autre de ces plans d’appui :
Proposer des langues transparentes pourrait être une stratégie de contournement qui a du sens pour un élève dyslexique. Sauf qu’elle fait l’impasse sur un élément capital pour l’enfant : préserver son goût d’apprendre ! La motivation lui donne de l’élan pour persévérer et développer ses compétences. Sans elle, les meilleures méthodes et les bonnes intentions font grise mine. Si votre enfant a vu tous les Harry Potter et qu’il veut apprendre l’anglais, foncez ! Rien ne remplacera sa détermination et des aménagements pourront soulager ses efforts.
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Avant que la question d’une dispense de LVE se pose, différents aménagements sont à tester. Que la langue soit maternelle ou seconde, la dyslexie impose d’adapter les méthodes d’enseignement.
Nous l’avons vu, la dyslexie et l’apprentissage d’une nouvelle langue est complexe, surtout lors du passage à l’écrit. Pour limiter les conflits et les difficultés dans les correspondances graphèmes/phonèmes, le conseil est de privilégier l’oral. Et comme la langue s’apprend avant tout en situation de communication, la méthode prend tout son sens. Cette adaptation rejoint d’ailleurs les préconisations fréquentes :
Pour une langue étrangère comme pour le français, les régularités de la langue sont abordées avant les fameuses exceptions à la règle. Elles facilitent la compréhension du système orthographique et grammatical propre à la LVE. L’élève dyslexique peut construire une base de correspondances sur laquelle il s’appuiera à l’oral puis à l’écrit. Les irrégularités ont du sens une fois que la langue est plus familière. Les approcher avant entraîne des confusions. Elles sèment un doute permanent pour l’élève (se rappelle-t-il de la règle ou de l’exception ?). Et en français ou en anglais, on ne laisse pas une forme erronée s’installer. Si l’enfant produit une erreur, on la corrige immédiatement et sans jugement pour soutenir son processus d’apprentissage.
Plus la méthodologie utilisée est variée, plus l’élève a la possibilité de tester celle qui lui convient. Il n’y a pas de technique miracle pour aider un élève dyslexique. La flexibilité des approches et l’adaptation guident les actions pédagogiques. Plus les sollicitations stimuleront différentes sphères du cerveau, plus l’enfant pourra développer des stratégies de compensation de son trouble des apprentissages. Voici une liste de tactiques à essayer avant de les adopter. Privilégiez :
L’enseignement immersif est le cadre idéal pour découvrir ou apprendre une nouvelle langue. Pour un enfant dyslexique, ce contexte est favorable à condition d’être entouré de manière bienveillante. Avant d’envisager un stage ou une colonie de vacances linguistique, le voyage en famille est une formidable aventure à partager. L’enfant est plongé dans un bain linguistique et culturel, dans un environnement rassurant. Cette excursion familiale stimulera probablement sa motivation. Dyslexique ou non, parler une langue étrangère dépasse les notions d’accent ou de vocabulaire. C’est s’ouvrir à l’autre et à ses différences, compétence dans laquelle les enfants dys sont très à l’aise !
Certes, la dyslexie et les langues étrangères ne font pas rimer l’enseignement avec facilité. Les troubles spécifiques du langage et des apprentissages touchent autant la langue maternelle que la langue seconde. Néanmoins, le plurilinguisme est accessible aux porteurs de troubles dys à condition de prévoir les méthodes et les aménagements adaptés. Évidemment, la communication orale est la voie à privilégier. Ça tombe plutôt bien, apprendre une LVE se fait avant tout en parlant ! La découverte précoce d’une nouvelle langue est un autre facteur qui détermine sa maîtrise. Plus elle se fera tôt, plus l’élève dys sera en capacité de discriminer les sons propres à celle-ci. Et dans quelques cas, une dispense ou des aménagements d’examens resteront nécessaires. Chaque réponse apportée correspond autant aux besoins spécifiques de l’enfant dyslexique qu’à sa motivation. Être dyslexique n’empêche pas d’être bilingue. Le voyage est simplement plus long.
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Avec Catherine Grosmaitre PhD, Neuro-psychologue à l’Hôpital Necker-Enfants Malades
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