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La vision d’un enfant dyslexique pendant la lecture : que perçoit-il vraiment ?

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La vision d’un enfant dyslexique pendant la lecture : que perçoit-il vraiment ?

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La vision d’un enfant dyslexique pendant la lecture : que perçoit-il vraiment ?

Découvrez comment voit un enfant dyslexique et quelles stratégies peuvent l’aider à améliorer sa lecture.

La dyslexie est un trouble des apprentissages qui touche la lecture et l’écriture. Elle est le trouble emblématique dans la grande famille des dys. Elle est reconnue comme un handicap. Mais son invisibilité la rend parfois mystérieuse pour celles et ceux qui sont à l’aise à l’écrit. Alors chacun imagine qu’une personne dyslexique voit le texte à l’envers, déformé ou que toutes les lettres sont confondues. Des chercheurs ont même mis au point des lunettes et autres supports d’aide supposés déjouer les pièges lors de la lecture. Mais alors, comment voit un enfant dyslexique quand il lit ? Mettons-nous quelques instants à sa place.

Quels sont les défis visuels de l’enfant dyslexique ?

La dyslexie est un trouble spécifique du langage et des apprentissages (TSLA). L’intelligence est normale, voire très bonne, mais les circuits neuronaux habituels fonctionnent différemment. 

Le traitement des sons et des lettres

La dyslexie touche avant tout le traitement phonologique, c’est-à-dire la manipulation des sons dans la langue. La façon dont le cerveau traite et comprend les sons (les phonèmes) fait défaut. C’est la partie immergée de l’iceberg. Pourtant, ce que l’on retient de ce trouble du langage écrit, c’est la confusion des lettres. C’est la partie visible de l’iceberg. Pour prendre un raccourci, l’enfant est ralenti par une perception erronée des phonèmes. L’enfant dyslexique fournit un effort de déchiffrage ou d’encodage pour associer un symbole au son qu’il produit. La difficulté grandit lorsque ces sons se combinent en syllabes (conscience syllabique), en mots, en phrases puis en texte. Quelques cas de dyslexie ont uniquement une difficulté visuelle et non phonologique.

Le recyclage neuronal

À l’échelle humaine, les premières traces de l’écriture sont très tardives. Il faut partir 3 300 ans avant notre ère pour remonter à ses origines. Avant, l’homme préhistorique communique avec des dessins et des peintures. L’aire du langage s’est développée en même temps que l’évolution de l’homme. Mais notre cerveau, comme celui de nos ancêtres, n’a pas prévu de zones spécifiques pour le langage écrit. C’est ce que Stanislas Dehaene appelle le recyclage neuronal. En pratique, nous détournons certaines zones pour lire et écrire, notamment celles dédiées à la reconnaissance des formes et des images. C’est l’incroyable plasticité neuronale qui permet cette récupération.

De la reconnaissance du lion à celle des lettres

Restons encore quelque temps à la préhistoire. À cette époque, distinguer un tigre à dents de sabre sous toutes les coutures est particulièrement utile. La mise en action est facilitée (fuir !). Quel est le lien entre ce tigre et la lecture ? Des recherches montrent que le cerveau distingue le haut et le bas (notion de verticalité). Mais il n’intègre pas spontanément la gauche et la droite. Pourquoi ? Pensez aux prédateurs : qu’ils viennent de la droite ou de la gauche, le danger est identique ! 

De la même façon, nous sommes capables de reconnaître nos proches sous tous les profils. La plupart des éléments qui nous entourent répondent sans problème à cet effet miroir. Sauf les lettres. Spontanément, le cerveau de l’enfant les traite en miroir. Avec beaucoup d’entraînement, les aires visuelles se spécialisent pour reconnaître l’orientation des caractères. Progressivement, elles sont capables de les associer à un son du langage. Les élèves leur attribuent des valeurs (nom, son) et les assemblent. Au contraire, l’enfant dyslexique va continuer à confondre les signes graphiquement proches (exemple : b et le d, p et le q). Ces effets sur les aires du langage se produisent quand l’apprentissage du langage écrit se passe bien.

L’effort de lecture ou l’extrême fatigabilité et la dyslexie

Lire un texte ou faire une dictée pour un enfant porteur de troubles des apprentissages est un véritable challenge. Toutes les étapes habituellement automatisées ne le sont pas pour lui. 

En lecture, il se concentre pour : 

  • reconnaître les lettres (graphèmes), leur attribuer un son, les assembler ;
  • donner un sens aux mots lus puis aux phrases ;
  • maintenir le regard sur les mots et suivre les lignes ;
  • accélérer son débit pour fluidifier sa lecture.

Lors du passage à l’écrit, il fait attention à :

  • assembler les sons et les graphèmes ;
  • orienter son geste dans la bonne direction ;
  • raviver sa mémoire orthographique ;
  • mobiliser sa mémoire de travail pour ne pas perdre le fil de la dictée ;
  • revenir sur sa production pour retrouver des erreurs et les corriger.

Chaque tâche est découpée et lui demande une application intense. Une journée d’école ressemble à un véritable parcours olympique, sans les honneurs.

Comment voit un enfant dyslexique quand il lit ?

Maintenant que les grandes lignes de ce trouble du neurodéveloppement sont posées, abordons leurs effets sur la vision pendant la lecture.

Les mouvements oculaires

Un lecteur habituel déplace ses yeux sur des groupes de 7 à 9 lettres autour du point de fixation (empan de lecture). Et il continue à balayer le texte du regard pour assembler les syllabes, recomposer les mots et en dégager le sens global. Arrivés au bout, ses yeux font un retour au début de la ligne suivante. Une fois que la lecture devient plus experte, il n’a même plus besoin de déchiffrer tout le mot. Seuls quelques caractères suffisent à l’identifier.

Pour un lecteur dyslexique, ce balayage est beaucoup plus complexe. Il voit chaque signe l’un après l’autre. Son empan de lecture est limité. Il a des mouvements oculaires instables avec des saccades régulières et des retours en arrière permanents (rétros-saccades). Il enchaîne des allers-retours sur les mots pour vérifier la conversion graphème/phonème. Son avancée dans le texte est lente et laborieuse. Il concentre toute son attention disponible, ses yeux tremblent. Son application à lire brouille son accès au sens. Il s’épuise. 

Le mélange des lettres et des mots

Nous l’avons vu, la vision en miroir tend de nombreux pièges à l’enfant porteur d’un trouble du langage écrit. Au premier plan, nous retrouvons la fameuse confusion des signes proches. Les graphèmes tels que b/d, p/q et même m/n ou t/f se mélangent. Les parents et les enseignants questionnent alors un trouble dys. 

Comme si cette difficulté de lecture et d’écriture ne suffisait pas, elle est complétée par la fragilité du traitement phonologique. Les lettres dont le son est proche augmentent les erreurs d’identification et de discrimination. On retrouve ici les confusions des consonnes dites sourdes et sonores (f/v, t/d, p/b, c/g). Des applications en ligne proposent des simulateurs de lecture avec une dyslexie. On y voit des mots qui dansent rendant le déchiffrage très laborieux, voire impossible. Les caractères bougent et s’inversent. Certains passent inaperçus. Est-ce que ces simulateurs représentent fidèlement la vision d’un enfant dyslexique ? Il est difficile de répondre avec certitude. Quoi qu’il en soit, ils ont le mérite de nous mettre face aux défis et aux difficultés de la dyslexie. Le texte comme un bloc

Tous ces efforts (balayage de la page avec rétros-saccades, déchiffrage et compréhension) compliquent l’immersion dans le texte. Les mots, les phrases, les lignes et tous les signes de ponctuation finissent par représenter une masse. Toute l’énergie du lecteur dys passe dans le déchiffrage du texte. À cela s’ajoute la distance entre les unités (lettres, mots, signes de ponctuation). L’espace entre les lettres ou les mots n’a plus de sens. Le découpage syllabique des mots hache la lecture. Le texte joue à l’accordéon. Tantôt, les graphèmes s’unissent, tantôt, ils s’éloignent. Entre les deux, l’enfant dyslexique voit le document comme un bloc.

Les troubles visuels et la dyslexie : mythe ou réalité ?

Ces dernières années, des lampes et des lunettes pour la dyslexie ont fleuri sur le marché. Ces dispositifs d’aide à la lecture intègrent une lumière stroboscopique qui prend le relais de l’œil directeur supposé déficient. Certains enfants porteurs de dyslexie apprécient ce soutien pour lire. Mais la plupart des professionnels de santé, les orthophonistes comme les ophtalmologues, les considèrent comme des gadgets. Aucune étude fiable n’a prouvé leur utilité. 

Néanmoins, il reste indispensable de tester la vue de son enfant dys. Une vue faible ou des troubles visuels moteurs compliquent parfois l’activité de lecture. Des séances de rééducation en orthoptie peuvent soulager la suractivité occulaire. Les troubles de la vue ne sont pas à exclure, mais ils ne sont pas à l’origine de la dyslexie.

Les compétences visuo-attentionnelles

L’attention visuelle de l’enfant est indispensable dans l’apprentissage de la lecture. Elle contrôle l’orientation de la prise d’informations et guide les mouvements des yeux. L’œil identifie les lettres composant les mots et le cerveau recense tout ce qu'il sait (les représentations orthographiques, phonologiques et sémantiques). En bref, il décode les mots, les reconnait et leur donne du sens. Nous l’avons vu, l’œil ne peut identifier que quelques mots à la fois (l’empan de lecture). Certains enfants dyslexiques ne sont pas capables d’organiser ces informations. C’est un peu comme si les caractères occupaient tout leur champ visuel en créant des interférences. Les orthophonistes parlent d’encombrement perceptif (crowding, en anglais). La quantité d’éléments à traiter devient colossale. Ils peinent à identifier les signes (inhibition de l’attention focale) et doivent se concentrer sur les lettres les unes après les autres. Leur empan de lecture est donc particulièrement restreint et les mouvements de l’œil sont instables.

Comment aider un enfant dyslexique à lire ?

Puisqu’un enfant porteur de troubles neurodéveloppementaux est soumis à des efforts permanents, pourquoi ne pas supprimer la lecture ? Ce serait sous-estimer la plasticité neuronale dont il fait preuve et les différentes possibilités de rééducation.

Changer l’approche pédagogique

En première intention, le bilan et le suivi chez une orthophoniste sont essentiels. Mais ils ne suffisent pas. Comme le chemin neuronal emprunté est différent, les méthodes doivent l’être aussi. En classe, des aménagements sont proposés. Différents dispositifs d’aide scolaire les formalisent. Une reconnaissance de handicap est parfois nécessaire. Elle peut ouvrir des droits à un accompagnant des élèves en situation de handicap (AESH) ou à du matériel pédagogique. 

Un délai supplémentaire est également nécessaire pour laisser le temps à l’enfant dyslexique d’effectuer la tâche demandée. Et lorsque l’écrit n’est pas la compétence initiale, des alternatives doivent être proposées pour ménager sa confiance en lui.

Adapter les supports de lecture et d’écriture

La quantité de texte est une des bases de l’adaptation pédagogique. La fatigabilité de l’enfant dyslexique ne lui permet pas de traiter autant d’informations que ses camarades. Voici quelques adaptations pour soulager l’encodage :

  • la dictée à trous ;
  • la dictée à l’adulte ;
  • des questionnaires à choix multiples (QCM) ;
  • la réponse sous forme de liste ;
  • des phrases à compléter ;
  • la quantité d’écrits limitée.

En déchiffrage, les aménagements portent notamment sur :

  • une page aérée (interligne espacé en 1,5 point, voire 2 points) ;
  • une mise en forme du texte non justifiée (évitement de l’effet bloc et facilitation de la prise de repères) ;
  • une police de caractères simple ;
  • un allègement de la quantité à lire ;
  • le recours à un lecteur (professeur ou camarade de classe) ;
  • l’utilisation de livres audios ;
  • l’usage des pictogrammes ou de l’orthographe illustrée comme soutien à la compréhension et à la mémorisation. 

Utiliser les outils numériques pour aider à lire

Les applications et les outils numériques offrent de nombreuses possibilités. Ils soulagent l’effort de l’enfant, mais ils participent aussi à la rééducation de la dyslexie. Des études cliniques ont notamment démontré l’efficacité des approches multimodales avec stimulation auditive, visuelle et motrice. Le jeu pédagogique Poppins utilise cette approche par le biais de la rééducation musicale. Plus l’approche stimule différentes zones du cerveau, meilleure est la plasticité neuronale. Et puisque le chemin habituel n’est pas possible, autant emprunter une autre voie.

Les tablettes et les ordinateurs permettent des utilisations complémentaires. Citons par exemple :

  • la dictée vocale ;
  • la synthèse vocale ;
  • la prédiction des mots ;
  • les logiciels de correction orthographique.

Les outils numériques ont également l’avantage d’être attrayants et stimulants. Ils permettent une rétroaction immédiate sur les actions menées (feedback positif), ce qui encourage l’apprentissage et stimule la motivation.

Il y a probablement autant de visions différentes qu’il y a de porteurs de troubles des apprentissages. Néanmoins, se demander comment voit un enfant dyslexique facilite la compréhension de ce handicap invisible. Non, les lecteurs dys ne manquent pas de motivation ou de persévérance. Ils font face à des défis pluriels, de la réception des sons à leur conversion en lettres et inversement. Lire avec une dyslexie signifie déjouer les pièges d’une représentation en miroir et supporter de multiples saccades oculaires. Aucun dispositif magique ne résout ces difficultés de lecture et d’écriture. Mais tous les aménagements mis en place sont des alliés précieux à la rééducation orthophonique. Le premier élément à ne pas perdre de vue est la préservation de l’estime de soi et la valorisation des capacités.

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